Les pèlerinages
avaient donc commencé dès la découverte du tombeau de Saint
Jacques, au IX° siècle. Au début, les pèlerins ne seront que
des Espagnols, mais très vite le renom de St. Jacques se
répandra dans lEurope entière. La première mention certaine
dun pèlerin étranger est celle de l'évêque du Puy, Godescalc,
qui se rend à Compostelle en 950. Le chemin de St. Jacques
est, dès le début, une voie de communication et déchange
culturel. Puis l'archevêque de Reims, Hugues de Vermandois
vient en personne rendre visite au sépulcre galicien. Mais le
voyage du pèlerin nest pas sans danger. En 961, Raymond II,
comte de Rouergue est assassiné sur la route de St. Jacques.
Al Mansur bloque les chemins daccès à St. Jacques puis pille
et incendie la ville. Mais très vite le pèlerinage reprend et
sorganise. Construction dabbayes et dhospices pour
lhébergement des pèlerins, dhôpitaux pour les soigner,
éclosion de villes à proximité des ponts, des carrefours. L
essor prodigieux de ce pèlerinage entraîne vite des jalousies,
notamment de la papauté et de Rome, qui craignent dêtre
détrônés par Santiago. Sous le règne dAlphonse VI, à la fin
du XI° siècle, limplantation de Cluny, fervent soutien de la
papauté, sauvera, par son développement sur les routes du
pèlerinage en Espagne, lavenir de celui-ci et calmera les
rivalités. A la fin du XII° siècle, lactuelle cathédrale
romane est achevée. Les motivations des pèlerins sont
diverses. Dans le meilleur des cas il est accompli en toute
liberté, par pure dévotion et ferveur religieuse. Partir en
pèlerinage, cest abandonner sa condition sociale, son
confort, renoncer aux biens de ce monde, selon lidéal
évangélique de pauvreté et dhumilité. Pour certains,
notamment les nobles, cest loccasion de connaître dautres
cours étrangères, de visiter du pays. Certains, enfin, partent
contraints et forcés, pour expier des pénitences canoniques. A
la suite de certaines condamnations graves, le pèlerinage doit
être exécuté avec des cercles de fer autour des pieds ou des
bras. Aux XIII° et XIV° siècles, lInquisition impose le
pèlerinage aux hérétiques. La Compostela
est alors le certificat attestant de la bonne exécution de leur peine. Puis apparaissent les pèlerinages posthumes, par lesquels une personne ayant fait voeu de pèlerinage, mais nayant pas pu l'exécuter, le «lègue» à ses héritiers. Enfin les pèlerinages vicaires qui consistent à faire exécuter le pèlerinage par une autre personne, moyennant finances. Il ny aura pas vraiment darrêt des pèlerinages, mais le XIV° siècle verra leur fréquentations diminuer à cause de linsécurité liée en France à la guerre de cent ans qui débute vers le milieu de ce siècle. Nouvelle diminution avec les attaques des protestants, Luther condamnant vigoureusement les vicariats et ce pélerinage en général. Puis insécurité liée aux interminables guerres de religion, enfin condamnation officielle par certains rois de France. Il faudra attendre la seconde partie du XX° siècle pour que renaisse vraiment ce pèlerinage
Des premiers siècles du pèlerinage, il ny a que très peu de traces écrites. Le seul «Guide du pèlerin de St. Jacques de Compostelle» existant est celui dun moine poitevin, Aimery Picaud. Il définit les quatre routes bien connues maintenant, et qui se réunissent à Puente la Reina, pour former le Camino frances.
 La
Via Tolosana
qui débute à Arles et quempruntent les pèlerins venus dItalie, de Suisse et dEurope centrale, ainsi que les romieux, qui après Rome, se rendent à Compostelle. La
Via Podiensis
qui part du Puy est celle des jacquets venus du centre de la France et de lEurope de lEst. La
Via Lemovicensis
qui part de Vézelay est empruntée par les pèlerins allemands, de Lorraine, de Champagne et de Bourgogne. La
Via
Turonensis , route dite magnum iter Santi Jacobi
passe par Paris et Orléans, mais samorce véritablement à St. Martin de Tours.
Certains pèlerins nhésitent pas à faire dimportants détours pour visiter des lieux de pèlerinages célèbres, le Mont St. Michel, Rocamadour ... Bénis avant le départ, la besace et le bourdon constituent les deux attributs caractéristiques du pèlerin. Le bourdon est arme contre les loups et les chiens, mais également aide à la marche comme un troisième pied. La besace contient la maigre pitance du marcheur. Le vêtement évoluera beaucoup au cours des siècles, mais restera toujours fonctionnel. Lemblématique coquille apparaîtra dès le XII° siècle, ramassée par le pèlerin sur la grève à lissue de son périple et quil accroche à son chapeau à son retour.
 La réunion des
3 chemins venant du nord et de lest de la France à
Ostabat donne naissance au chemin navarrais.
Le chemin dArles qui devient le chemin aragonais rejoint le
chemin navarrais à Puente la Reina. Le chemin est alors unique
jusquà Santiago. Iter francorum, ou Caminio
frances cette appellation vient de ce que la plupart des
pèlerins venaient de France mais aussi de ce que de nombreux
francos, clercs, moines, artisans ou marchands
vinrent sétablir le long de ce chemin. La création de
linfrastructure et laménagement de ce chemin, terminés au
début du XII° siècle, est due à laction de deux rois,
Alphonse VI, roi de Castille (mariée à une princesse
bourguignonne) et à Sanche I° roi dAragon. Le premier fit
supprimer les péages qui entravaient la circulation des
pèlerins, encouragea la fondation dhôpitaux, la construction
de ponts et de chaussées, fit venir des francos pour
développer certaines villes (Sahagun, Logroño, Villafranca).
Le second eut des actions similaires, céda domaines et églises
à de grandes abbayes, comme Sainte Foy de Conques. Le
Camino frances
resta cette grande voie de la foi et de l'espérance pour des dizaines de millions de pèlerins. Il est inscrit depuis 1993 au patrimoine mondial de lUNESCO.
|